Le traitement des infractions aux règles d’urbanisme et le droit au respect de la vie privée et familiale

Urbanisme

Le Ministre délégué à la Ville et au Logement a rappelé, au sein d’une réponse ministérielle du 18 octobre 2022, comment traiter les infractions aux règles d’urbanisme au regard de la jurisprudence en matière de droit au respect de la vie privée et familiale.

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L’état de la jurisprudence en matière de conciliation du respect des règles d’urbanisme avec le droit au respect de la vie privée et familiale

Interpelé sur la manière dont le respect des règles d’urbanisme peut être assuré et sur les recours dont disposent les maires pour faire respecter les règles votées, alors que « la CEDH a affirmé la primauté du droit à la vie familiale dans le cadre des règles d’urbanisme, des injonctions et jugements de démolition en cas de construction abusives et illégales » (selon la députée), le Ministre délégué à la Ville et au Logement a préalablement rappelé l’état de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme et de la jurisprudence nationale en cette matière.

L’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CESDH) garantit en effet à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance et prévoit qu’il ne peut y avoir une ingérence dans l’exercice de ce droit que si elle est prévue par la loi et qu’elle est nécessaire, dans une société démocratique, à un certain nombre d’objectifs.

En application de cet article, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) a considéré que la perte d’un logement est une atteinte des plus graves au droit au respect du domicile.

Dans cette décision du 17 octobre 2013 (Winterstein et autres c/France, n° 27013/07), elle a rappelé les principes selon lesquels :

  • Toute personne qui risque d’être victime d’une atteinte au droit au respect de son domicile doit pouvoir en faire examiner la proportionnalité par un tribunal ;
  • Les juridictions nationales doivent examiner les arguments en ce sens en détail et y répondre par une motivation adéquate, après avoir analysé la proportionnalité de la mesure.

Il est souligné qu’en l’espèce, l’inaction de la collectivité territoriale pendant plusieurs années, voire décennies, a été un élément important pour caractériser l’absence de proportionnalité de la mesure d’éviction.

En application de cette jurisprudence, la Cour de cassation a depuis, par exemple, annulé un arrêt de la Cour d’appel de Versailles qui avait ordonné l’enlèvement de plusieurs caravanes et de cabanons de jardin appartenant à des gens du voyage, installés en zone naturelle en méconnaissance des dispositions du plan local d’urbanisme de la commune, au motif que la Cour d’appel n’avait pas recherché « comme il le lui était demandé, si les mesures ordonnées étaient proportionnées au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile » (Civ. 3ème, 17 décembre 2015, n° 14-22095).

Le Ministre rappelle également que le Conseil d’État a par exemple déjà jugé que (15 décembre 2010, n°323250) :

Un refus de raccordement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone d'une construction à usage d'habitation irrégulièrement implantée a le caractère d'une ingérence d'une autorité publique dans le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la CESDH (…) si une telle ingérence peut être justifiée par le but légitime que constituent le respect des règles d'urbanisme et de sécurité ainsi que la protection de l'environnement, il appartient, dans chaque cas, à l'administration de s'assurer et au juge de vérifier que l'ingérence qui découle d'un refus de raccordement est, compte tenu de l'ensemble des données de l'espèce, proportionnée au but légitime poursuivi.

Le rappel par le Ministre de l’outil de la mise en demeure

Le Ministre délégué à la Ville et au Logement en conclut que l’article 8 de la CESDH n’interdit pas les conséquences qui peuvent être tirées de l’occupation illégale d’un terrain, mais implique que les mesures les plus lourdes, telles l’éviction ou la démolition de la construction illégale, respectent des conditions précises et soient justifiées et proportionnées.

Il rappelle que les articles L. 481-1 à L. 481-3 du code de l’urbanisme prévoient un mécanisme de mise en demeure de régulariser sous astreinte les constructions, travaux et installations réalisés en infraction au code de l’urbanisme.

L’article L. 481-1 du code de l’urbanisme, issu de la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dispose en effet que :

I.- Lorsque des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 ont été entrepris ou exécutés en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ainsi que des obligations mentionnées à l'article L. 610-1 ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable et qu'un procès-verbal a été dressé en application de l'article L. 480-1, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées pour réprimer l'infraction constatée, l'autorité compétente mentionnée aux articles L. 422-1 à L. 422-3-1 peut, après avoir invité l'intéressé à présenter ses observations, le mettre en demeure, dans un délai qu'elle détermine, soit de procéder aux opérations nécessaires à la mise en conformité de la construction, de l'aménagement, de l'installation ou des travaux en cause aux dispositions dont la méconnaissance a été constatée, soit de déposer, selon le cas, une demande d'autorisation ou une déclaration préalable visant à leur régularisation.

II.- Le délai imparti par la mise en demeure est fonction de la nature de l'infraction constatée et des moyens d'y remédier. Il peut être prolongé par l'autorité compétente, pour une durée qui ne peut excéder un an, pour tenir compte des difficultés que rencontre l'intéressé pour s'exécuter.

III.- L'autorité compétente peut assortir la mise en demeure d'une astreinte d'un montant maximal de 500 € par jour de retard. L'astreinte peut également être prononcée, à tout moment, après l'expiration du délai imparti par la mise en demeure, le cas échéant prolongé, s'il n'y a pas été satisfait, après que l'intéressé a été invité à présenter ses observations. Son montant est modulé en tenant compte de l'ampleur des mesures et travaux prescrits et des conséquences de la non-exécution. Le montant total des sommes résultant de l'astreinte ne peut excéder 25 000 €.

Dans les faits, le Ministre délégué à la Ville et au Logement explique que :

Très concrètement, une fois le procès-verbal d'infraction au code de l'urbanisme dressé, l'autorité compétente a la faculté de mettre en demeure l'auteur de cette infraction de procéder aux travaux nécessaires à la mise en conformité de sa construction ou de déposer une demande d'autorisation visant à les régulariser a posteriori.