L’obligation de sédentarisation reconnue comme préjudice réparable

Responsabilité administrative

Dans une décision du 7 avril 2023, le Conseil d’État a admis que l’obligation de sédentarisation peut être constitutive d’un préjudice réparable.

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Le contexte

Une femme issue de la communauté des gens du voyage a subi deux interventions chirurgicales successives du globe oculaire en janvier 2017. A la suite de ces interventions, elle a définitivement perdu la vision de l’œil droit et souffre d’un strabisme avec déviation externe de l’œil droit et d’une réduction de la fente palpébrale droite.

Elle a donc engagé la responsabilité du Centre hospitalier national d’ophtalmologie des Quinze-Vingt, devant le Tribunal administratif de Paris, en vue d’obtenir l’indemnisation des préjudices subis (souffrances morales, préjudices esthétiques, renoncement à son mode de vie…), qui résultaient selon elle d’une prise en charge défaillante de la part du centre hospitalier.

En première instance, le Juge administratif a fait droit à sa demande aux termes d’un jugement du 11 juin 2020.

Pour autant, les deux parties (la requérante et le Centre hospitalier) ont interjeté appel de cette décision.

La Cour administrative d’appel de Paris, dans un arrêt rendu le 25 mars 2021, a infirmé le jugement de première instance en diminuant l’indemnisation par le Centre hospitalier de la demanderesse, et a rejeté sa demande de frais d’aménagement du logement.

Elle s’est pourvue en cassation, devant le Conseil d’État.

Au soutien de son pourvoi, la requérante expliquait notamment qu’elle avait dû renoncer à son mode de vie, dès lors qu’ayant perdu la vision de l’œil droit, elle ne pouvait conduire et se déplacer correctement.

L’apport de l’arrêt du 7 avril 2023

C’est dans ce contexte qu’aux termes de sa décision du 7 avril 2023, le Conseil d’Etat a admis que l’obligation de sédentarisation peut être constitutive d’un préjudice réparable, en ces termes :

Le fait de devoir renoncer à son mode de vie spécifique, le déracinement qui en découle et ses incidences sur les conditions de vie matérielles et morales de l'intéressé est par lui-même constitutif d'un préjudice qui doit être réparé, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D et autres sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il porte sur la détermination du préjudice lié aux frais d'aménagement du logement et du préjudice extrapatrimonial né de l'obligation de sédentarisation liée à l'accident fautif.

 

 

Par Zoé COULAY, étudiante à la Faculté de Droit de l’Université de Nantes