Expropriation d’un terrain inondable et sécurité juridique

Expropriation

La Cour de cassation a précisé, dans un arrêt du 8 juin 2023, que lorsqu’il apprécie la condition de constructibilité de la zone où est située une parcelle expropriée, en vue de la qualifier ou non de « terrain à bâtir », le Juge de l’expropriation ne peut se fonder sur un projet de révision du plan de prévention des risques porté à la connaissance de la collectivité par les services de l’État, mais non encore approuvé, ni annexé au plan local d’urbanisme.

Partager cet article

Le contexte

Une parcelle appartenant à un particulier, située en zone rouge inconstructible du plan de prévention des risques d’inondation (PPRI), a fait l’objet d’une procédure d’expropriation au profit du la société publique locale « La Fabrique de Bordeaux Métropole ».

Ce PPRI était en cours de révision, et les services de l’État, par un « porter à connaissance » du 20 juillet 2016, avaient classé la parcelle concernée en zone verte du PPRI, soit en zone de faible aléa à l’inondation, avant la date de référence.

Mais ce « porter à connaissance » n’avait pas eu pour effet de modifier les documents d’urbanisme (PPRI et PLU) applicables à ce terrain.

En se fondant sur ce « porter à connaissance » la classant en zone verte, le Juge de l’expropriation a, en appel, qualifié de « terrain à bâtir » la partie de la parcelle concernée à la date de référence, en déniant à l’expropriante la possibilité de se prévaloir de l’inconstructibilité du terrain compte tenu du classement de la parcelle en zone rouge inconstructible du PPRI à cette même date.

Considérant que la qualification de la parcelle en « terrain à bâtir » était incompatible avec le classement de la parcelle expropriée en zone rouge inconstructible du PPRI, la société publique locale « La Fabrique de Bordeaux Métropole » s’est pourvue en cassation.

La qualification de « terrain à bâtir » à la date de référence

Aux termes de sa décision du 8 juin 2023, la Cour de cassation rappelle tout d’abord que selon l’article L. 322-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique :

La qualification de terrains à bâtir, au sens du présent code, est réservée aux terrains qui, un an avant l'ouverture de l'enquête prévue à l'article L. 1 ou, dans le cas prévu à l'article L. 122-4, un an avant la déclaration d'utilité publique, sont, quelle que soit leur utilisation, à la fois : 1° Situés dans un secteur désigné comme constructible par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, ou bien, en l'absence d'un tel document, situés dans une partie actuellement urbanisée d'une commune ; 2° Effectivement desservis par une voie d'accès, un réseau électrique, un réseau d'eau potable et, dans la mesure où les règles relatives à l'urbanisme et à la santé publique l'exigent pour construire sur ces terrains, un réseau d'assainissement, à condition que ces divers réseaux soient situés à proximité immédiate des terrains en cause et soient de dimensions adaptées à la capacité de construction de ces terrains. Lorsqu'il s'agit de terrains situés dans une zone désignée par un plan d'occupation des sols, un plan local d'urbanisme, un document d'urbanisme en tenant lieu ou par une carte communale, comme devant faire l'objet d'une opération d'aménagement d'ensemble, la dimension de ces réseaux est appréciée au regard de l'ensemble de la zone. Les terrains qui, à la date de référence indiquée au premier alinéa, ne répondent pas à ces conditions sont évalués en fonction de leur seul usage effectif, conformément à l'article L. 322-2.

Les apports de l’arrêt du 8 juin 2023

La Haute juridiction censure ensuite la décision de la Cour d’appel de Bordeaux au motif que :

le projet de révision du plan de prévention des risques naturels porté à la connaissance de la métropole n'avait pas eu pour effet de modifier la teneur du plan de prévention des risques naturels approuvé, classant la parcelle expropriée en zone inconstructible, qui seul était annexé au plan local d'urbanisme

Il en résulte que le Juge de l’expropriation ne peut se fonder sur un simple projet de révision du plan de prévention des risques porté à la connaissance de la commune par les services de l’État, mais non approuvé ni annexé au plan local d’urbanisme, pour déterminer la qualification juridique d’un terrain exproprié.