Retrait de permis de construire : précisions sur la procédure contradictoire

Urbanisme

Le 12 juin 2022, le Conseil d’Etat a jugé que si le pétitionnaire souhaite présenter des observations orales dans le cadre d’une procédure de retrait de permis de construire, l’administration se doit d’accueillir sa demande, même s’il a déjà présenté des observations écrites.

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Le contexte

Par un arrêté du 11 mars 2020, le Maire de Bobigny a accordé à la société en nom collectif Bobigny Indépendance un permis de construire un ensemble immobilier comprenant un hôtel, des commerces, une résidence intergénérationnelle et des logements collectifs, valant permis de démolir.

Le Maire a finalement informé la société de son intention de procéder au retrait dudit permis de construire, et l’a invitée à présenter ses observations.

La société pétitionnaire a présenté des observations écrites d’une dizaine de pages dans un courrier, et sollicité un rendez-vous auprès des services de la commune, auquel il n’a pas été donné suite.

C’est ainsi qu’aux termes d’un arrêté du 21 août 2020, le Maire a procédé au retrait de ce permis et l’a refusé.

La société Bobigny Indépendance a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d’annuler pour excès de pouvoir cette décision du 21 août 2020, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 2102241 du 29 mars 2022, le Tribunal a rejeté cette demande.

La procédure contradictoire préalable au retrait d’une autorisation d’urbanisme

Pour mémoire, en application des dispositions de l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme, toute décision de non-opposition à une déclaration préalable ou tout permis de construire ou d’aménager ou de démolir, même tacite, peut être retiré par l’autorité qui l’a accordé, dans les trois mois de sa délivrance, dès lors que ce permis est entaché d’illégalité.

Il est observé qu’en l’espèce, ce délai de trois mois a été prorogé dans les conditions prévues par l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période.

Toutefois, eu égard à la nature d’acte individuel créateur de droits d’un permis de construire, son retrait est soumis à une procédure contradictoire préalable prévue par l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), selon lequel :

Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable.

L’article L. 122-1 du même code précise en outre que :

Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique.

Le Juge administratif considère de longue date qu’en l’absence de procédure contradictoire préalable, le retrait de permis de construire est illégal et doit être annulé (CE, 23 avril 2003, Société Bouygues Immobilier, n° 249712).

Cette procédure contradictoire constitue ainsi une garantie pour le titulaire du permis de construire (CE, 30 décembre 2015, Société Polycorn, n°383264).

Les apports de l’arrêt du 12 juin 2023

Dans l’affaire commentée, se fondant sur les dispositions du CRPA précitées, le Conseil d’Etat a rappelé que :

La décision portant retrait d'un permis de construire est au nombre de celles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Elle doit, par suite, être précédée d'une procédure contradictoire, permettant au titulaire du permis de construire d'être informé de la mesure qu'il est envisagé de prendre, ainsi que des motifs sur lesquels elle se fonde, et de bénéficier d'un délai suffisant pour présenter ses observations.

Mais la Haute Juridiction a surtout consacré le principe selon lequel l’administration désirant retirer une autorisation d’urbanisme doit nécessairement permettre au pétitionnaire de s’exprimer sur cette mesure non seulement par écrit, mais aussi à l’oral s’il en fait la demande, dès lors que cette dernière n’apparaît pas comme abusive :

Les dispositions précitées font également obligation à l'autorité administrative de faire droit, en principe, aux demandes d'audition formées par les personnes intéressées en vue de présenter des observations orales, alors même qu'elles auraient déjà présenté des observations écrites. Ce n'est que dans le cas où une telle demande revêtirait un caractère abusif qu'elle peut être écartée.

Dans les faits de l’espèce, le Conseil d’Etat, réglant l’affaire au fond, n’a pas pour autant annulé l’arrêté attaqué, car il a considéré qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que la société Bobigny Indépendance avait demandé à pouvoir présenter des observations orales sur le retrait envisagé.