L’impossibilité de régulariser un permis de construire obtenu par fraude

Urbanisme

Dans un arrêt du 18 décembre 2024, le Conseil d’Etat a consacré que lorsqu'un permis de construire a été obtenu par fraude, l'illégalité qui en résulte n'est pas de nature à être régularisée par la délivrance d'un permis de construire modificatif.

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Le contexte

Par arrêté du 10 mai 2022, le maire de Villennes-sur-Seine a délivré à la société HLM immobilière 3F un permis de construire. Celui-ci avait pour objet “un changement de destination ainsi que des travaux de modification d’un bâtiment existant en vue de créer douze logements”.

La société HLM immobilière 3F avait volontairement trompé l’administration en présentant des informations erronées à propos de son projet. Elle a ainsi obtenu son permis de construire par fraude, entachant la légalité de ce document.

Par la suite, le maire de Villennes-sur-Seine a délivré un permis de construire modificatif à ladite société le 17 février 2023, afin de régulariser son permis de construire initial.

Des requérants ont saisi le tribunal administratif de Versailles en vue d’annuler les deux arrêtés pour excès de pouvoir. Par un jugement en date du 9 novembre 2023, leur demande a été rejetée.

N’ayant pas obtenu gain de cause, les demandeurs ont formé un pourvoi en cassation.

L’apport de l’arrêt du 18 décembre 2024

En principe, lorsqu’un permis de construire initial a été délivré en méconnaissance des dispositions d’urbanisme applicables, l’illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d’un permis modificatif.

Le Conseil d’Etat l’a ainsi rappelé :

Lorsqu'un permis de construire initial a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure les respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

Mais les juges ont considéré qu’un permis de construire obtenu par fraude ne pouvait pas faire l’objet d’une telle régularisation, en ces termes :

Toutefois, lorsqu'un permis de construire a été obtenu par fraude, l'illégalité qui en résulte n'est pas de nature à être régularisée par la délivrance d'un permis de construire modificatif. Il s'ensuit qu'une telle illégalité peut être utilement invoquée à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial alors même qu'un permis modificatif aurait été délivré.

Le Conseil d’Etat a donc, dans cette hypothèse, annulé le permis de construire initial, en indiquant :

qu'en se fondant, pour écarter comme inopérant le moyen tiré de ce que la société HLM immobilière 3F avait présenté de manière intentionnelle des informations erronées sur le terrain d'assiette du projet dans son dossier de demande de permis de construire, de nature selon les requérants à tromper l'administration sur la réalité du projet, et de ce que le permis de construire litigieux aurait ainsi été obtenu par fraude, sur la circonstance que le dossier de permis de construire modificatif avait modifié la demande sur ce point, le tribunal administratif de Versailles a commis une erreur de droit.

Ce faisant, le permis modificatif faisant corps avec le permis de construire initial, il conserve nécessairement en lui le caractère frauduleux du permis initial et ne peut donc pas régulariser ce dernier. 

Références :

Conseil d’État, 18 décembre 2024, n°490711

Article L. 421-3 du code de l’urbanisme

Avec le concours de Elodie TOURANCHEAU, étudiante à la Faculté de droit Jean
François Champollion de RODEZ