Permis de construire, autorisation d’exploiter et action en démolition

Urbanisme

La Cour de cassation a rejeté, le 25 avril 2024, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l’articulation entre le mécanisme de l’action en démolition, la détention d’une autorisation d’exploitation et l'annulation d'un permis de construire, au motif que celle-ci ne possédait pas le caractère sérieux nécessaire. Elle en a profité pour rappeler des fondamentaux.

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Le contexte

Une société a obtenu un permis de construire autorisant l’édification de sept éoliennes et d’un poste de distribution (installations classées pour l’environnement – ICPE).

Après l’achèvement des travaux (sanctionné par un certificat de conformité préfectoral), la Cour administrative d’appel de Marseille a finalement annulé le permis de construire initial “en raison de l’insuffisance de l’étude d’impact”.

Suite à cela, des associations de protection des patrimoines paysagers et naturels ont assigné la société en démolition sur le fondement de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme, et demandé le versement de dommages et intérêts.

Ces dispositions permettent notamment aux tiers de demander l’exécution d’une action en démolition d’ouvrages édifiés dans certaines zones, lorsque le permis de construire des pétitionnaires est annulé pour excès de pouvoir par le juge administratif.

Dans le cadre de l’instance, la société a soulevé la question suivante :

Est-il conforme à la Constitution, notamment au regard de ses dispositions relatives au droit de propriété ainsi qu’au principe de sécurité juridique, que le juge judiciaire puisse ordonner la démolition d’ouvrages alors que le propriétaire des constructions litigieuses dispose par ailleurs d’une autorisation administrative d’exploiter, délivrée en application d’une autre législation ?

La solution de l'arrêt

Tout en rejetant la QPC pour son absence de caractère nouveau et sérieux, les juges ont rappelé que, si l’annulation d’une autorisation telle que le permis de construire est sans incidence sur une autre autorisation délivrée au titre d’une législation distincte, telle que l’autorisation d’exploiter (principe tiré d’une jurisprudence du Conseil d’Etat du 22 septembre 2014, SIETOM de la région de Tournan en Brie, n°367889), l’action en démolition au titre de l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme est quant à elle soumise à la caractérisation d’un préjudice personnel direct subi par les demandeurs, en plus de l’annulation du permis de construire.

ce qu'il faut retenir

  • L’annulation d’un permis de construire n’a aucune incidence sur les autorisations obtenues au titre d’une législation distincte, ainsi qu’il en est pour les autorisations d’exploiter. Cela signifie qu’il est impossible pour les pétitionnaires de se prévaloir d’une autorisation d’exploitation légale pour contester une action en démolition fondée sur l’annulation postérieure de leur permis de construire, dès lors illégal :

(...) l'autorisation de construire, qui se rapporte aux règles d'implantation et de construction d'un ouvrage, et l'autorisation d'exploiter, qui se rapporte aux conditions d'exploitation d'une activité, n'ont pas le même objet et relèvent de deux législations différentes (...)

  • Les juges de Cassation tendent à favoriser la démarche de l’action en démolition, notamment lorsqu’il est question d’atteinte à l’environnement. Les titulaires de permis de construire au sein des zones mentionnées à l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme doivent donc porter une attention particulière au respect des règles d’urbanisme les concernant, ainsi qu’à la bonne exécution de leurs permis de construire. 
  • Il est nécessaire que les demandeurs, dans le cadre de l’action en démolition, fassent état d’un préjudice personnel, et en lien direct avec la violation de la règle d’urbanisme ayant entraîné l’annulation du permis de construire.

Références :

Article L. 480-13 du code de l’urbanisme

Cass. Civ. 3ème, 25 avril 2024, n°24-10.256

CE, 22 septembre 2014, SIETOM de la région de Tournan en Brie, n°367889

Avec le concours de Louise BARBARIN, étudiante à la Faculté de droit de l’ICES